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Le monde du cinéma, de la télévision, de la presse et de l'université se charge efficacement de ce travail de déconstruction pour produire en seulement quelques décennies la figure répulsive de catégories populaires inadaptées, racistes et souvent proches de la débilité. Des rednecks dégénérés du film Délivrance au beauf raciste de Dupont Lajoie, la figure du « déplorable » s'est imposée dès les années 1970 dans le cinéma. La télévision n'est pas en reste. En France, les années 1980 seront marquées par l'émergence de Canal +, quintessence de l'idéologie libérale-libertaire dominante.
De la série Les Deschiens à la marionnette débilitante de Johnny Hallyday des Guignols de l'info, c'est en réalité toute la production audiovisuelle qui donne libre cours à son mépris de classe. Des ploucs français aux déplorables américains, le processus de dépréciation des classes populaires traversera l'ensemble des pays développés.
L'entreprise est d'une telle efficacité qu'aujourd'hui toute expression populaire est immédiatement discréditée. Le scepticisme des ouvriers face au modèle mondialisé et à la construction européenne sera analysé comme un manque d'éducation, la demande de régulation comme le signe d'un repli identitaire, la colère des maires ruraux comme la résurgence d'un nouveau pétainisme.
Représentantes autoproclamées de la société ouverte et du vivre-ensemble, les classes dominantes et supérieures du XXIe siècle ont réalisé en quelques décennies ce qu'aucune bourgeoisie n'avait réussi auparavant : se mettre à distance, sans conflit ni violence, des classes populaires. La citadellisation, que la technostructure appelle « métropolisation », n'est que la forme géographique du processus de sécession des bourgeoisies au temps de la mondialisation.
Une bourgeoisie asociale est l'arnaque de la société ou de la ville ouverte offre au monde d'en haut une supériorité morale qui lui permet de dissimuler la réalité de son repli géographique et culturel. L ' « open society » est certainement la plus grande fake news de ces dernières décennies.
En réalité, la société ouverte et mondialisée est bien celle du repli du monde d'en haut sur ses bastions, ses emplois, ses richesses. Abritée dans ses citadelles, la bourgeoisie « progressiste » du XXIe siècle a mis le peuple à distance et n'entend plus prendre en charge ses besoins. L'objectif est désormais de jouir des bienfaits de la mondialisation sans contraintes nationales, sociales, fiscales, culturelles … et, peut-être, demain, biologiques.
L'hystérie, la paranoïa et les discours de haine qui ont accompagné le vote en faveur du Brexit ou l'élection de Donald Trump sont caractéristiques des pathologies développées par une bourgeoisie fondamentalement asociale. Enfermé dans des citadelles de plus en plus homogènes socialement, le monde d'en haut a entamé un processus de repli géographique et social qui passe également par le verrouillage du débat public.
Repliée derrière ces remparts, la nouvelle bourgeoisie, celle qui n'a de cesse de promouvoir le vivre-ensemble, s'est séparée du monde d'en bas.
De l'autre côté des remparts, un nouveau monde a vu le jour, celui des périphéries populaires, des territoires frappés par la baisse ou la stagnation de l'emploi. Pour la première fois, les classes populaires ne vivent plus là où se créent les emplois et les richesses. Deux mondes de plus en plus hermétiques socialement et culturellement ont émergé ; ils ne font plus société.
Ce discours masque mal la volonté des gagnants de la mondialisation de s'affranchir de toute solidarité nationale en abandonnant à leur sort les catégories et territoires qui n'ont pas leur place dans la mondialisation.

 

Source : « No society. La fin de la classe moyenne occidentale » de Guilluy Christophe
 

Tag(s) : #Gnose, #Vocation chrétienne
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