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La science moderne va bientôt engendrer ce que « Max Weber » nommera joliment le désenchantement du monde, c’est-à-dire le retrait des divinités qui étaient censées autrefois habiter et donner une âme au monde. On voit aussi comment à cette émancipation de l’humanité, à cette liberté intérieure et extérieure que propose d’apporter la science, s’ajoute l’idéal du bonheur ou, du bien-être, que l’on appellera la religion du progrès.

Le mot « changement » est un mot magique, dont la seule invocation suffit à remplir les âmes. Les « conservateurs » étant censés résister par nature au « changement », donc voués à devenir un jour « réactionnaires ». Ledit « changement », essentialisé comme un mouvement bon en lui-même, est toujours encore perçu comme une promesse de bonheur ou de justice, de liberté ou de solidarité, d’amour fraternel ou de paix universelle. La bonne nouvelle, régulièrement annoncée avec l’émotion requise: le « changement » est possible et désirable. On peut donc sans crainte « aller de l’avant », se mettre en marche « vers un monde meilleur », objet de la vertu d’espérance platement sécularisée.

Le progressisme s’est en même temps mondialisé, sous la forme d’une vulgate réduite à un ensemble de bons sentiments, de poncifs et de slogans fabriqués avec un petit nombre de termes vagues et d’expressions figées, par lesquels on célèbre indistinctement la « modernisation », l ’ « industrialisation », le « développement » ou la « croissance ».

Michelet résume le progressisme avec la formule : « Nous, croyants de l’avenir, qui mettons la foi dans l’espoir. » Condorcet passe décrit l’âge d’or à venir : « Il arrivera donc, ce moment où le soleil n’éclairera plus, sur la terre, que des hommes libres, et ne reconnaissant d’autre maître que leur raison ».

La conception du progrès pris au sens absolu (« le Progrès ») suppose que l’esprit humain, la nature humaine et les sociétés humaines bénéficient d’un processus d’amélioration ou de perfectionnement général, dont le schème est celui d’un progrès linéaire, cumulatif, continu, nécessaire, irréversible et indéfini. Plutôt que l’espèce humaine ou le genre humain, c’est « l’esprit humain » que les philosophes des Lumières érigent en sujet universel auquel le Progrès est attribué. Les sciences et les techniques recèleraient la promesse d’une levée de la malédiction divine, et permettraient de restaurer l’Eden sur Terre.

Source : « La Religion du progrès » de Pierre-André Taguieff

 

 

Tag(s) : #Gnose
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